POULOT Denis - Châlons 1847

"Il faut que les Ecoles d'Arts et Métiers forment des sujets de plus en plus instruits, constamment maintenus à la hauteur des sciences mécaniques appliquées, et pouvant, par un travail assidu, s'élever aux premiers rangs de l'industrie française. " Denis Poulot

" La vie de Denis Poulot est celle qui, pour nous, personnifiait le plus le Gadzarts et le meilleur Camarade, la vie de l'industriel et du grand philanthrope " M.P.Barbier (Ch 1862), Maire adjoint du 11e.

Denis Poulot naquit le 3 mars 1832 à Gray. Il entra aux Arts-et-Métiers à Châlons en 1847. A sa sortie, son frère Alfred (Ch 1836), associé dans une entreprise de construction de machines-outils, l'embaucha, d'abord comme ajusteur-tourneur, puis chef monteur. En 1852, on le retrouve contremaître chez Gouin, constructeur où il fut attaché à Alphonse Oudry (Ch 1832, polytechnique) pour la construction du pont tournant de Brest.
Il décide alors en 1857 de fonder sa propre fabrique de ferronnerie dans le 19e, à Paris, qu'il cèdera en 1868 à Nicolas Vuillaume (Ch 1840) dont le fils Ernest (Ch 1872) a été Président de la Société de 1913 à 1917.
En 1872, il crée au 50, av. Philippe-Auguste à Paris une " Fabrique de produits pour polissage " (émeri, meules et machines à polir) remportant une médaille d'argent à l'Exposition de 1878 (...).

Cette activité manufacturière ne l'a pas empêché de s'engager dans la vie publique, de s'impliquer dans la Société des Anciens Elèves et d'écrire un certain nombre d'ouvrages, soit techniques, soit de réflexion sur la société de son temps.

En mars 1879, il est nommé maire du 11e arrondissement de Paris par Mr Hérold, préfet de la Seine. Il le restera trois ans, déclarant en 1882 :" En démocratie, il ne faut éterniser ni les fonctions, ni les mandats. "
Durant ce mandat relativement court, il s'appliquera à imposer des réformes qui correspondaient aux idées nouvelles. Ami de Gambetta, il était un " esprit libéral " convaincu (...). Un square proche de la Mairie porte son nom.

Son engagement à la Société des Anciens Elèves a été particulièrement important, pour la défense de l'Ecole et pour son évolution.
La France de la fin du 19e était au cœur d'une nouvelle bataille des Anciens et des Modernes. On sait que le mot République dans la Constitution de 1875 avait été acquis à une voix de majorité, ce qui laisse supposer que quelques années plus tard, les Conservateurs et les Libéraux étaient encore à peu près à égalité dans le pays . La Société des Anciens Elèves était un reflet de la société civile et comme telle se partageait entre conservateurs et libéraux . La controverse éclata lorsque le Ministère du Commerce, tuteur de l'Ecole, envisagea d'élever le niveau des études. Les sociétaires se divisèrent en deux camps, l'un emmené par le Président Lucien Arbel (Aix 1843) et par César Trotabas (Aix 1844) qui ne voulaient pas de cette évolution, l'autre emmené par Denis Poulot qui la défendait. Une véritable campagne électorale (voir encadré) pour désigner le successeur de L.Arbel eut lieu et D. Poulot fut élu à une confortable majorité. Il nomma tout de suite une commission interne chargée d'étudier une réforme de l'Ecole qui, dans un rapport rendu en 1884, recommanda l'élévation du niveau des cours (...).

Mais Denis Poulot est connu aussi, en Littérature et en Sciences Sociales, comme auteur d'un livre édité en 1870, réédité trois fois, la dernière en 1980 : " Le Sublime ou le travailleur comme il est en 1870, et ce qu'il peut être ". Il y décrit, avec sincérité et lucidité, son expérience d'ouvrier et de contremaître en usine et les ravages de l'alcoolisme qui y régnait. Cet ouvrage fit l'objet d'une polémique, le directeur du journal, " Télégraphe ", Auguste Dumont, accusant Zola de plagiat en ayant utilisé des passages entiers du " Sublime " dans " L'Assommoir ", Zola y répondant par une lettre ouverte dans laquelle il expliquait qu'il "avait l'habitude de prendre ses références dans les livres les plus sérieux."

Cette activité débordante ne l'a pas empêché d'être membre du Conseil de perfectionnement des Ecoles d'Arts et Métiers et inspecteur régional de l'Enseignement technique et il mettait beaucoup d'ardeur à remplir ces fonctions. Il était Officier de la Légion d'Honneur, Officier d'académie.

Décédé le 28 mars 1905 ; ses obsèques ont eu lieu le 31 mars, en présence de plus de mille personnes. Il est inhumé au Père Lachaise .

Edmond De Andrea, ingénieur Arts et Métiers (Aix 45).

Extrait de 'Arts et Métiers Magazine' - Mars 2003.

 
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