PRISSE D'AVENNES Emile
- Châlons 1822 (extrait d'Arts et Métiers Magazine
novembre 2002)
Au Louvre, dans
les salles consacrées à l'Egypte pharaonique,
on remarque à côté de la grande salle 12
consacrée aux temples, la salle 12 bis, plus petite,
qui contient, dûment reconstituée, " la chambre
des ancêtres ". C'est une chapelle comportant les
cartouches de 61 pharaons réalisée sous Thoutmosis
III. Au-dessus de cet ensemble, une plaque de marbre porte la
mention : " Rapportée de Karnak par Prisse d'Avenues
en 1843."
Qui est Prisse d'Avenues ?
Emile Prisse est né le 27 janvier 1807 à Avesnes-sur-Helpe
dans le Nord. Du côté paternel, les Prisse sont
issus d'une famille noble d'origine galloise. Son père
était inspecteur des bois de Monseigneur Talleyrand-Périgord,
son grand-père paternel, procureur domanial du duc d'Orléans,
avocat au Parlement de Flandre, son grand-père maternel,
président du tribunal civil et maire d'Avesnes.Emile
est très attaché à ses racines. Peut-être
à cause de la mort prématurée de son père
à 34 ans (1814). En 1815, après le décès
de son grand-père maternel, son grand-père Prisse
le place au collège pour le préparer au barreau,
ce qui ne lui plaît guère. C'est alors qu'un ami
le dirige vers l'École royale d'Arts et Métiers
où il fait son entrée en mai 1822. Son grand-père
paternel décède à son tour en mars 1826,
et c'est donc comme " un pauvre orphelin " qu'il doit
démarrer dans la vie alors qu'il n'a que dix-neuf ans.
Dès 1826, il participe au concours pour le monument de
la place de la Bastille. Il s'occupe aussi d'écrits périodiques
sur l'industrie française et anglaise.
C'est le temps de la guerre d'indépendance de la Grèce
contre l'occupant turc. Il s'enflamme pour cette cause et s'engage
dans le corps des philhellènes. Lorsque l'intervention
française chassa les Ottomans de la Morée, il
suivit, lors de leur retour, les Egyptiens de l'armée
d'ibrahim, fils de Mehemet Ali, vice-roi d'Egypte. Mehemet Ali,
qui recherche des techniciens étrangers pour moderniser son
pays, recrute Prisse comme ingénieur civil et hydrographe.
Prisse deviendra ensuite professeur de topographie à
l'École d'artillerie de Hanka et professeur de fortifications
à l'École d'infanterie de Damiette. Il quitte
brutalement l'administration turque en 1836. Sa soif d'aventure
peut alors s'exprimer. Il quitte le delta, voyage et remonte
jusqu'à Abou Simbel pour se fixer finalement à
Thebes en 1838 (
). Notre égyptologue a d'abord
signé ses travaux Prisse, puis Prisse d'Avesnes, et enfin
Prisse d'Avenues, nom de l'épouse de son arrière-grand-oncle.
Il s'attache particulièrement aux temples de Karnak où
il exécute avec beaucoup de soin des copies de bas-reliefs
dont la conservation est un motif d'inquiétude. En effet,
sa passion pour les blocs venant des édifices construits
par Amenophis IV-Akhenaton, démolis, et qui servent de
carrière pour la construction, préoccupe le monde
scientifique (
).
Le 15 mai 1844, après dix-sept ans d'absence, il embarque
pour la France ; et rapporte une quantité considérable
de notes, dessins, aquarelles, relevés divers... qui
lui serviront pour ses publications ultérieures.
Au Louvre, en plus de la " chambre des ancêtres "
qu'il a rapportée, il y a aussi une " stèle
" dont Champollion avait souligné l'importance.
Surtout, II y a le fameux Papyrus, le plus ancien manuscrit
connu, 4 600 ans d'âge, mis à jour à Thèbes
(
). Donné à la Bibliothèque nationale,
il y est conservé sous le nom de Papyrus Prisse (...).
Son séjour parisien lui permet de conforter ses nombreuses
relations, tels Théophile Gautier et Maxime du Camp,
de participer à de nombreuses publications, comme la
" Revue de Paris ", et de fonder deux revues : "Le
Miroir de l'Orient" et la "Revue orientale et algérienne".
Avec tous les documents et dessins qu'il a rapportés,
il prépare la publication de trois oeuvres maîtresses
: "Les monuments égyptiens ",
"Histoire de l'art égyptien", et "L'Art
arabe d'après les monuments du Kaire".
Chargé d'une nouvelle mission scientifique par Napoléon
III, il repart en Egypte de 1858 à 1860 accompagné
d'un jeune photographe A. Jarrot. Il revient en France en juin
1860 avec un véritable reportage, trois cents nouveaux
dessins, huit mètres de calques et de nombreuses photos.
A son retour, il devient président, membre actif ou correspondant
pour nombre d'instituts ou associations scientifiques. De caractère
loyal et franc, mais fier et indépendant, son refus de
composer lui a valu de solides inimitiés, et même
des calomnies. C'est presque isolé de tous et dans la
gêne qu'il décédera en janvier 1879 à
Paris (
). Ses obsèques seront célébrées
aux frais du ministère de l'Instruction publique, les
honneurs militaires lui étant rendus au cimetière
d'Ivry. Sa sépulture sera transférée au
cimetière Montparnasse en 1889.
Éminent archéologue, égyptologue et publiciste,
de renommée mondiale, il devra attendre le 29 juin 1897
pour que, par décret du président Félix
Faure, un hommage public " au hardi explorateur et savant
égyptologue " soit rendu à sa mémoire
en donnant son nom à une rue de Paris dans le 14ème
arrondissement.
Extrait de l'article de André
Monclus (Pa 40) & Jean Vuillemin (Pa 40) parut dans Arts
et Métiers Magazine - Novembre 2002.
> Dossier du mois Emile Prisse d'Avennes
(Mai 2001)