BECHEREAU Louis - Angers 1896

Louis Béchereau naquit le 25 juillet 1880 à Plou dans le Cher. Elève de l'école nationale professionnelle de Vierzon, il prépare et réussit le concours des Arts et Métiers. Agé de 16 ans, il entre à l'école d'Angers en 1896; il est ainsi le contemporain de Clément Ader, de Gabriel Voisin, de Wilbur Wright, de Henri Farman ou encore de Louis Blériot. Il appartient à cette génération de Gadzarts qui allait contribuer à l'envolée des ailes françaises ...
Ayant achevé ses études en 1901, il participe à la veille de son incorporation, à une compétition de modèles réduits organisé par le journal 'L'auto'. Béchereau remporte alors le premier prix; son modèle sera fabriqué en série pour le compte des grands magasins parisiens.

Les débuts

Libéré de ses obligations militaires en 1902, Béchereau rejoint un atelier à Bezons où il participe à la construction du prototype automobile dont le concepteur n'est autre que … Clément Ader. Cette expérience au côté du précurseur de l'aviation moderne lui permet d'évoquer fréquemment les essais de vols réalisés avec 'l'Eole' ou 'L'Avion'.


En 1903, Béchereau entre à la 'Société de Construction d'Appareils Aériens' fondée à Levallois par le neveu de Clément Ader. Client de cette société, Armand Déperdussin commande en 1909 la réalisation d'un aéroplane, lequel sera exposé sous les verrières du Bon Marché. Enthousiaste, il crée en 1910 la 'Société des Aéroplanes Déperdussin' et il confie la conception des avions de la marque au jeune Béchereau. Les ateliers seront établis à Reims-Bétheny et rue des Entrepreneurs à Boulogne.


Le temps de records

Béchereau s'oriente rapidement vers la construction d'appareils 'monoques', dont les formes aérodynamiques offrent des performances inaccessibles jusqu'alors. Il s'appuie sur une équipe formée notamment de Gadzarts : Louis Janoir, chef-pilote (Ch 1901), et André Herbemont (Ch 1909) engagé dès sa sortie de l'école en 1912. Forte de collaborateurs dévoués et de choix techniques révolutionnaires, la maison Déperdussin remporte de nombreux prix, dont la fameuse coupe Gordon-Bennet en 1912 avec le pilote Jules Védrine.

Les appareils Déperdussin connaissent une renommée mondiale, cependant la S.P.A.D. (Société de Production des Aéroplanes Déperdussin) est mise en faillite en raison de pratiques frauduleuses de son fondateur. Louis Blériot reprend la S.P.A.D. signifiant désormais : 'Société Pour l'Aviation et ses Dérivés'. Béchereau, Bourgeois (Ch. 04), Gaillard (Li. 06), Tahon (Li. 08), Leplanquais (An. 10), Papa (An. 97) et Herbemont seront les collaborateurs du nouveau président Blériot.


Date Epreuve remportée Pilote / Avion
12/1911 Record du monde de hauteur avec un passager : 3.200m Marcel Prévost sur Déperdussin 100 cv
01/1912 Record du monde de hauteur avec deux passagers : 2.200m Marcel Prévost sur Déperdussin 100 cv
04/1912 Coupe Pommery : record du monde de distance à travers la campagne avec un passager Marcel Prévost sur Déperdussin
09/1912 Coupe Gordon-Bennett : Record du monde de vitesse 167,8 km/h Jules Védrines sur Déperdussin
04/1913 Coupe Schneider : distance de 270 km parcouru en 3h 48' 22'' Marcel Prévost sur hydravion Déperdussin 160 cv
07/1913 Record du monde de vitesse : 181 km/h Marcel Prévost sur monocoque Béchereau 140 HP
09/1913 Coupe Gordon-Bennett : Record du monde de vitesse 203,85 km/h Marcel Prévost sur monocoque Béchereau 160 HP
10/1913 Coupe Deutsch de la Meurthe Eugène Gilbert sur monocoque Béchereau 160 HP


Une contribution significative à la victoire de 1918


En août 1914, les événements politiques font des Armées alliées les nouveaux clients de la S.P.A.D. Le premier modèle Spad fait une apparition timide au mois de novembre 1914.

Il s'agissait du Spad 'nacelle-avant', dont un compartiment situé devant l'hélice devait permettre au mitrailleur de faire feu sur les Fokker et autres aviatiks. Comme l'écrivit son concepteur, "le Spad-nacelle n'eut guère qu'un succès d'estime et son expérience fût brève".
Peu après, Béchereau étudie différents modèles d'avions, dont le septième est le fameux Spad VII. Produit à partir de 1916, le Spad devient l'avion standard des forces aériennes françaises, il équipera la plupart des puissances alliées.

En 1917, de nouvelles versions du Spad apparaissent successivement : le Spad XII, puis le Spad XIII. Ce dernier est le premier avion à disposer de deux mitrailleuses synchronisées et ses performances en vol sont encore améliorées. Le succès du Spad était attribué "à sa grande maniabilité, à sa grande mobilité en rotation, à son axe longitudinal d'inertie qui lui permettait d'effectuer toutes les acrobaties possibles et imaginables".

Parmi les nombreux pilotes qui 'chassaient' à bord d'un Spad, on peut notamment citer les as français : Fonck, Guynemer, Nungesser …

Au mois d'août 1916, les Spad VII sont livrés à l'escadrille des Cigognes et Béchereau fait la rencontre de Guynemer. Après avoir éprouvé sa nouvelle 'monture', le pilote écrit aussitôt à son concepteur pour lui en communiquer son appréciation : " L'appareil est merveilleux. J'ai grimpé à plus de 3.000 mètres en 9 minutes à peine et j'ai exécuté plusieurs renversements complets, sans difficultés et sans que le moteur bafouille. Je passe ma journée dans mon taxi et je voudrais passer mon temps à le retourner dans tous les sens ".
Guynemer se rendait fréquemment aux ateliers de la rue des Entrepreneurs. Il contribua ainsi à l'amélioration et à la mise au point des appareils. La correspondance de Guynemer et de Béchereau témoigne des liens fraternels entre les deux hommes. A travers les récits du pilote, Béchereau devient un témoin privilégié de ses combats aériens. On les voyait ensemble au volant d'une petite Hispano-Suiza blanche : " Tiens, disait-on en les voyant, voilà les deux frères ! ".

Le 12 juillet 1917, Béchereau est promu Chevalier de Légion d'Honneur. Quelques jours plus tard, dans le grand hall de la Société Spad, en présence du ministre de la Guerre, la décoration lui est remise par son ami Guynemer,.
La lettre de félicitation du pilote légendaire se termine par ces mots : " Vous avez donné la suprématie aérienne à votre pays, et vous aurez une grande part dans la victoire. C'est un splendide titre de gloire. C'est avec le sentiment de l'admiration et de la grande reconnaissance que nous vous devons tous, que je vous donne l'accolade".

La paix revenue, Herbemont succède brillamment à Béchereau au poste de directeur technique. Ce dernier vient de quitter la S.P.A.D pour créer la Société des Avions Bernard dite 'Société des trois B, avec Bernard et Birkigt (fondateur de la Société Hispano-Suiza). Béchereau collabore également avec la Société des moteurs Salmson, et s'associe en 1931 avec le carrossier J.Kellner pour créer la société 'Kellner-Béchereau'. A la veille du nouveau conflit mondial, il conçoit le monoplan embarqué K.B.E 60 destiné à la Marine Nationale. Cet appareil était considéré comme un chef d'œuvre de l'art aéronautique mais le déroulement de la guerre vint contrarier sa destinée.
En 1942, l'usine est détruite par un bombardement, la société 'Kellner-Béchereau' fusionne alors avec les 'Aéroplanes Moranes-Saulnier'. Béchereau exercera une fonction de directeur au sein de cet établissement jusqu'à sa retraite en 1950.

Un génie créateur reconnu par ses pairs

Si le nom de Béchereau reste peu connu du grand public, ses pairs ont su lui rendre hommage et reconnaître en lui, un génie créateur. En 1947, Béchereau est promu Officier de la Légion d'Honneur, il reçoit la Médaille d'Or de l'Aéro-Club de France et est élu membre d'Honneur de l'Union Syndicale des Industries Aéronautiques. En 1950, il reçoit la médaille de l'Aéronautique . En 1959, il est lauréat de l'académie des sciences et reçoit le prix Arthur du Faÿ. Enfin, en 1966, Béchereau reçoit le Prix Nessim Habif et est élevé au grade de Commandeur de Légion d'Honneur. Il décède le 18 mars 1970, en son domicile 2, rue Gervex à Paris, âgé de 89 ans. Celui dont l'avion contribua de manière significative à la supériorité aérienne des troupes alliées, était également connu pour sa simplicité et son extrême modestie.

Frédéric Champlon - Châlons 94

Extrait de Arts et Métiers Magazine - Avril 2003.


 
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