CLERC
Charles - Châlons 1927
"Chapô : " Mon cher ami, Très
touché de votre lettre au moment où vous quittez
l'uniforme, je vous remercie encore une fois de l'impulsion que
vous avez su donner à votre service. C'est vous qui avez
animé cette direction des matériels qui nous a permis
de réaliser nos performances de guerre.
Et maintenant au travail, luttez, produisez, relevez le Pays.
" Général Leclerc (2e DB)
Charles Clerc est né le 20 mai 1908 à Bilbao où
son Père, Victor Clerc ( Ch 1891), était ingénieur
aux usines Solvay. Charles fait ses études à Dijon
et entre aux Arts et Métiers, à Chalons en 1927.
A sa sortie, il fait son service militaire qu'il termine comme
sous-lieutenant de réserve au 510e régiment de chars
de combat à Nancy. Il entre alors en 1931 aux " Laiteries
Saint Hubert ", à Nancy, entreprise fondée
par Mr Couillard qui avait deux fils (Louis, Pierre) et une fille
(Simone) qu'il épouse en 1933.
A la déclaration de guerre, il est mobilisé comme
lieutenant de chars mais la " drôle de guerre "
ne le satisfait pas et il part volontaire pour la Syrie où
il est affecté au bataillon de chars de Homs, et, en tant
que Gadzarts, au matériel. Après l'armistice, il
prend connaissance de l'appel du 18 juin 40 et décide de
se lancer dans la grande aventure. Il quitte Homs avec un convoi
de camions, rejoint à Haïfa la 3e compagnie du 24e
RIC, passée en Palestine (anglaise). Le 2 juillet, un escadron
de spahis rejoint à son tour. Le 18 juillet, tous les contingents
français ayant fait ce choix se retrouvent à Ismaïlia,
sur les bords du canal de Suez. D'autres groupes de Français
rejoignent et l'ensemble constitue alors le " 1er bataillon
d'Infanterie de Marine ".
Avec un équipement minimum, la 1re compagnie, celle du
capitaine Folliot, ou sert C.Clerc, rejoint la 7e division blindée
du général Wawell, " Les rats du désert
", qui engage les premiers combats. La 1re compagnie y participe
et y compte ses premiers morts. Une série de victoires
suit, parmi lesquelles un raid sur Tobrouk où le lieutenant
Clerc capture six postes de défense ennemis. Churchill
pourra annoncer aux Communes : " La Prise de Tobrouk par
les Forces Britanniques et les Forces Françaises Libres
". Pour marquer la reprise des opérations de guerre,
le général De Gaulle nomme les premiers Compagnons
de l'Ordre de la Libération, sans distinction de grade,
parmi les hommes de la 1re compagnie., C. Clerc avec le n°
34 le 7 mars 1941 avec la croix de la Libération et une
citation à l'Ordre de l'Armée. (Un 2ème Gadzarts
a reçu la Croix de la Libération : Louis Magnat,
Cl 1932 le 13 juillet 1945).
Les combats de Cyrénaïque et de Tripolitaine des années
1941, 42, 43 ont été une suite d'aller-retours des
adversaires, fonctions des renforts reçus de part et d'autre.
Ce n'est pas le propos de cet article de détailler ces
combats, l'excellent ouvrage de Marcel Fels (Ch 1928) faisant
référence. En ce qui concerne C. Clerc, il a été
de tous les combats, d'abord au feu, puis comme organisateur des
moyens mécanisés, essentiels dans cette guerre de
mouvement. En août 1941, il devient Chef du service auto
du Levant (dotation des Unités, Atelier lourd de réparation,
Maintenance) et, comme tel, rattaché à l'Etat-Major
des Troupes. Les combats de Bir-Hakeim, Tobrouk, El-Alamein où
les 1re et 2e brigades du général de Larminat se
sont illustrées, sont dans toutes les mémoires.
Quant au Commandant C.Clerc, après avoir créé
de toutes pièces le premier Atelier Lourd mobile de soutien,
il avait continué son uvre d'organisateur et d'innovateur.
On dit qu'un de ces Ateliers Lourds avait un camion-fonderie avec
un cubilot !
Après la victoire du 4 octobre 1942 à El Alamein,
, les ateliers du matériel eurent à fabriquer des
pièces, presque en série. Grâce à la
qualité du travail de ces ateliers, remarquable si l'on
considère les moyens et les conditions de travail, la 2e
DFL n'a perdu que 5 véhicules sur 2200, après un
parcours de 2100km pour rallier la Tunisie, ce qui valut un message
de félicitations du général Koenig transmis
par le Cdt Clerc au personnel des ateliers (150 hommes).
Le 31 juillet 1943, les forces françaises sont unifiées
et les engagements au titre des Forces Françaises Libres
sont clos. La 2e DB du général Leclerc se forme
et C.Clerc y est affecté, où il retrouve Marie (Aix1920),
puis son camarade de promotion Gaudet. Leclerc nomme C.Clerc Directeur
du Matériel de la Division.
" Ses contacts efficaces avec les Services Américains,
ses talents d'organisateur, sa bienveillante fermeté, son
rayonnement humain permettent de servir dans les meilleures conditions
toutes les Unités de la Division en chars, véhicules,
canons, matériels de tous ordres . "
La 2e DB est transférée en Angleterre début
1944 et elle débarque à Utah-Beach le 1er août
1944. Les combats de Normandie, de la Libération de Paris,
d'Alsace et d'Allemagne ont fait souffrir, on l'imagine tous les
matériels et C.Clerc s'y est illustré. Il reçoit
son 5e galon en novembre 1944. Il est démobilisé
en juillet 1945.
Après ces années de " bruit et de fureur ",
Charles Clerc, Cincinnatus moderne, reprend à Nancy ses
fonctions à la Laiterie de St Hubert. Il a certainement
eu d'autres opportunités mais il a fait son choix. Il est
probable que son épouse, co-actionnaire de la Société,
qui avait totalement partagé son engagement dans la guerre
et qui avait, elle-même, pris des risques sérieux
durant l'occupation, a influencé cette décision,
mais C.Clerc n'était certainement pas homme à faire
un choix opposé à ses convictions.
Il a montré par la suite qu'il n'a jamais utilisé
ses relations de guerre et ses engagements pour en tirer un profit
personnel. Ce n'était pas non plus un homme sensible aux
honneurs, à la politique et à la médiatisation.
Par contre il a toujours été disponible pour les
autres, pour des uvres locales et il était administrateur
de plusieurs sociétés et organismes locaux.
Il s'est donc appliqué à participer au développement
de la PMI qu'était son entreprise (3 millions d'Euros en
1952 et une centaine d'employés) . Ayant suivi des cours
de biologie avant la guerre pour apprendre " à sentir
le microbe ", et par ses compétences dans l'organisation
et la gestion des équipements, il était certainement
un élément essentiel dans la direction de la société
qu'il partageait avec son beau-frère Pierre Couillard.
L'entreprise a beaucoup prospéré pendant vingt ans
encore que nous n'ayons pu obtenir des chiffres précis
; en particulier, elle a pris le virage de l'agroalimentaire.
Ce que l'on sait aussi, c'est que peu avant sa mort, des pourparlers
avaient été engagés avec un grand groupe
pour céder l'affaire . Ces discussions qui avaient lieu
à Paris l'affectaient beaucoup car il se retrouvait, seul,
devant une technostructure et cette situation, nouvelle pour lui,
le faisait beaucoup souffrir.
On le décrit comme un homme toujours sous tension, sévère,
exigeant, juste et respecté, mais humain ; quelques innovations
sociales l'ont montré. Il adhérait aux idées
d'avant-garde ; il pensait par exemple que la transmission automatique
d'une entreprise au fils du fondateur ne devait se faire que si
sa compétence était indiscutable, que, quoique n'en
ayant pas souffert, les Traditions pratiquées à
l'Ecole étaient obsolètes, que les méthodes
de direction devaient être transformées. Il fallait
toutefois être prudent car, comme il le disait à
Pierre Devignot (Ch 1952) son petit-filleul : " Les choix
ne sont pas faciles dans la vie ".
Que ce soit à titre militaire ou civil, un grand nombre
de titres honorifiques lui ont été décernés
(voir encadré). L'Etablissement Régional du Matériel
militaire, à Metz, porte son nom.
Il est décédé le 2 janvier 1967 à
Nancy et est inhumé au cimetière du Sud à
Nancy.
Edmond De Andrea, ingénieur Arts
et Métiers (Aix 45).
Extrait de 'Arts et Métiers Magazine'
- Mai 2003.
|