Jean-Louis
Charles Dauban (Compiègne 1800 - Châlons 1806)
J.-L. C. Dauban a lié son destin à la naissance des
Écoles d'Arts et Métiers et à l'implantation en Anjou de
la deuxième École, au cœur d'une période chahutée de l'histoire
de France.
Né à Paris le 24 juin
1790 à Paris, J.-L. C. Dauban grandit dans l'atmosphère
très patriotique de l'après-Révolution
de 1789. Il aimait raconter qu'âgé de cinq
ans, il récita au peuple la Déclaration des
Droits de l'Homme, lors d'une fête nationale. Son
père, d'Auban, fut un des auxiliaires les plus actifs
du général Lafayette pour l'organisation de
la garde nationale.
Il devient orphelin à dix
ans : l'État l'adopte et le place au Prytanée
militaire de Compiègne, puis le transfère
à Châlons-sur-Marne. Son éducation terminée,
Dauban reste à l'École d'Arts et Métiers
de Châlons en tant que maître
à
16 ans ! Le 25 novembre 1811, il reçoit l'ordre de
La Rochefoucauld-Liancourt de convoyer soixante élèves
de Châlons à Beaupréau (du 28 novembre
au 13 décembre 1811), où il dirige une partie
des cours en tant que professeur d'arithmétique et
d'écriture (1811-1815).
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Avec la fin de l'Empire (1813-1815), la
Vendée reprend les armes. Les souvenirs de la chouannerie
n'étant pas éteints, la vieille querelle des Bleus
et des Blancs se réveille. Dauban se jette à corps
perdu dans la lutte avec la fougue de son âge et l'impétuosité
de son caractère. Il forme une compagnie franche dont il
est nommé capitaine par le sous-préfet de Beaupréau,
avec l'accord de son directeur, M. Molard. En mai 1815, l'École
quitte Beaupréau et se replie sur Angers dans le cloître
du Ronceray. L'Empire s'écroule
L'homme de la situation !
Compromis par son patriotisme, Dauban doit renoncer à ses
fonctions en août 1816 et quitte l'Anjou. Il entre comme
maître d'études au collège Henri IV et devient
deux ans après sous-directeur de cet établissement,
puis professeur de mathématique. Il est unanimement apprécié
par ses supérieurs, mais aussi par les élèves
et leurs familles. Le Duc d'Orléans, futur roi Louis-Philippe,
qui a scolarisé ses deux fils, Ferdinand-Philippe duc de
Chartres et Louis duc de Nemours, au collège Henri IV,
n'oubliera pas ce sous-directeur et ce professeur aux états
de services excellents.
La Révolution de juillet éclate. Les Écoles
d'Arts et Métiers négligées par la Restauration,
du fait de leur origine impériale, retrouvent une certaine
audience. J.-L. C. Dauban devient alors l'homme de la situation.
Recommandé au roi, il est nommé directeur de l'École
d'Angers par Adolphe Thiers le 28 janvier 1831, afin de restaurer
cet établissement et de compléter son enseignement.
À l'évidence, cette mission n'est pas une sinécure
: bâtiments vétustes dans l'ancienne abbaye du Ronceray,
ateliers incommodes et très limités, élèves
indisciplinés
Mais en quelques mois, les résistances
sont brisées, l'ordre matériel et moral se rétablit.
Dès 1832, Dauban supprime les ateliers
d'ébénisterie et de serrurerie trop concurrentiels,
et crée des ateliers plus près des préoccupations
industrielles : fonderie et sa modèlerie, forge, ajustage.
L'École acquiert en très peu d'années une
réputation et un savoir-faire incontestables. Elle est
récompensée de nombreuses fois lors de ses participations
aux expositions industrielles.
En 1835, suite à de nombreux vols, Dauban accepte les démissions
des trois chefs d'ateliers et du responsable du magasin et nomme
des personnes dignes de confiance. En 1836, le comptable, soupçonné,
se donne la mort avant que l'enquête en cours ne confirme
des détournements à son profit afin d'honorer des
dettes de jeux.
Une autorité morale incontestée
Comme au collège Henri IV, Dauban réussit à
dompter la jeunesse et à l'entraîner vers l'amour
du travail bien fait. "La discipline y est douce, tout s'examine
et s'explique. Une sollicitude empressée et de tous les
moments y tend plutôt à prévenir les désordres
qu'à les réprimer
". (*) C'est ainsi qu'indulgent
pour les bons, inexorable pour les mauvais, l'habile directeur
s'assure une autorité morale sans faille. L'obéissance
de ses élèves reposait moins sur la crainte de la
répression que sur un immense respect.
De 1841 à 1861, Dauban entreprend des travaux considérables
afin de renouveler complètement les locaux, côté
Maine, le long de la rue du Godet, mais aussi rue de la Censerie
et rue Creuse, y compris les premières machines à
vapeur installées en 1848 pour assurer les entraînements
des machines et des ventilateurs.
Sous l'Empire, Louis Napoléon Bonaparte accorde enfin des
crédits supplémentaires. L'achat de maisons particulières
en 1854 et l'aménagement du Tertre permettent d'agrandir
l'École et de réaliser de nouvelles constructions,
bordant la rue de la Censerie. Ces bâtiments de 1857 restent
l'image de l'École d'Arts et Métiers d'Angers. En
1861, La construction du grand bâtiment permet le doublement
de l'atelier d'ajustage au rez-de-chaussée et la réalisation
de trois salles de dessin au premier étage. La forge, la
fonderie et sa modèlerie, l'ajustage donnent sur la cour
des ateliers (à droite) nouvellement créée.
Cette École a fière allure après l'élan
donné par Dauban, directeur pendant 19 ans, jusqu'au 17
avril 1849, date de sa mise à la retraite anticipée
suite aux agitations qui accompagnent l'avènement de la
deuxième République. À l'évidence,
Dauban paie ce bouleversement politique malgré les démarches
pressantes de nombreux anciens élèves ainsi que
du maire d'Angers. En réponse, Dauban reçoit la
Légion d'honneur et est nommé directeur honoraire
des trois Écoles d'Arts et Métiers.
Au cours de sa retraite, entouré de l'affection de sa seconde
femme, il apprécie pleinement les succès de ses
fils Charles-Aimé, professeur et auteur de nombreux ouvrages
d'histoire contemporaine, et Jules-Joseph, (An. 1839), artiste
peintre, directeur de l'École des Beaux-Arts et conservateur
du musée des Beaux-Arts d'Angers. Sa fille Jeanne-Marie
épouse un des membres les plus distingués de l'Université
angevine.
Dauban participa activement à la création
de l'Association des anciens élèves. En 1856, les
anciens élèves le convient à Paris pour présider
leur première fête fraternelle. Il est reçu
avec de telles démonstrations de respect et d'empressement
qu'il ne peut dominer son émotion et répondre à
l'ovation qui lui est faite.
Ce buste de Dauban, décédé le 11 mai 1868
à Angers, est l'une des uvres d'Hippolyte Maindron
(An. 1816 - voir AMM d'octobre 2001). Il est toujours visible
sur la tombe de Dauban au cimetière de l'Est d'Angers.
Cette sculpture funéraire a fait l'objet d'une souscription
auprès des anciens élèves des trois Écoles.
Jean-Louis
Eytier (Bo. 68)
(*) Extrait d'une lettre au maire d'Angers en
date du premier décembre 1836.
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