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DELAGE
Louis - Angers 1890
"Les Delage de l'entre-deux-guerres
étaient des véhicules, certes de luxe, mais aussi
sportifs et de compétition. Derrière ce prestige
se cache un ingénieur hors du commun.
Louis Delage naît le 22 mars
1874 à Cognac (...). Reçu au concours d'entrée
des Arts et Métiers d'Angers en 1890, il en sort
en 1893 avec son titre d'ingénieur.
Il effectue son service militaire en Algérie, où
il reste jusqu'en 1895 pour travailler dans une entreprise
de travaux publics de Bône. Revenu en France, il
entre à la Compagnie des chemins de fer du Midi
comme surveillant de travaux, et y demeure cinq ans. Mais
la passion de l'automobile le taraude. Aussi s'installe-t-il
en 1900 à Paris, créant un bureau d'études
de voitures automobiles.
Ayant travaillé pour plusieurs constructeurs, dont
Peugeot, il est embauché en 1903 dans cette jeune
entreprise, comme chef des études et essais. C'est
là qu'il rencontre l'ancien des Arts et Métiers
Augustin Legros, qui arrive de chez Daimler, à
Coventry. Deux ans plus tard, Delage démissionne
de Peugeot en entraînant Legros, pour créer
le 10 janvier 1905 la Société en commandite
simple Delage et Cie, qu'ils installent au 62, rue Chaptal,
à Levallois-Perret (...).
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Dès la fin de l'année, ils
peuvent exposer au 8e Salon de l'automobile, qui se tient au Grand
Palais, deux châssis équipés d'un moteur de
4,5 ou 9 CV, au choix. Les clients - des médecins pour
la plupart - recherchent plutôt une 6 CV ? Delage s'empresse
de leur en proposer en modifiant ses prototypes, et les commandes
affluent (...).
Cependant, le nouveau constructeur est
persuadé que les épreuves sportives constituent
la meilleure des publicités. Aussi, dès novembre
1906, il participe à la Coupe des voiturettes du journal
"L'Auto" (...). Les ateliers sont transférés
dans un local plus grand à Levallois en 1907, et, en
1908, l'usine emploie 116 personnes sur 4 000 m2. Pour participer
au premier Grand Prix des voiturettes organisé par l'Automobile
Club de France, Louis Delage confie la réalisation du
moteur à Némorin Causan (Aix 1898). La voiture
ainsi équipée enlève la première
place, les autres Delage, équipées de moteurs
De Dion, étant aussi bien placées. Pourtant, pour
des raisons financières, seul le nom de De Dion est mentionné
et retenu. (...)
L'usine est encore agrandie en 1909. C'est
là que débutent les fabrications de moteurs Delage,
à partir des plans de Maurice Ballot. C'est là
aussi que Arthur Michelat (Angers 1899) commence sa carrière,
en déchargeant Legros des études : il aura à
son actif les châssis de course des années 1911-1914.
Quant à Legros, il restera le bras droit de Delage jusqu'à
la fin (...).
Les succès s'enchaînent,
même si les voitures Delage n'atteignent pas le grand
public en raison de leur positionnement haut de gamme (tourisme
ou sportives), qui les réserve à une clientèle
plutôt fortunée. Une nouvelle usine devient nécessaire
: elle est construite en 1912 à Courbevoie, près
de l'île de La Jatte. Une Delage bat le record du monde
de vitesse absolue en 1914, avec un moteur V12 de 10,7 litres
créé par un ancien des Arts et Métiers,
Planchon.
Mais arrive la Grande guerre. Après
une période de mise en veilleuse de l'usine de Courbevoie,
les fabrications d'obus, puis de véhicules de liaison
pour l'armée (...). La fabrication de prototypes pour
l'après-guerre se poursuit, cependant, dans un atelier
séparé. Et, la paix retrouvée, la 1 500
cm3 Delage devient championne du monde en 1927, avec un moteur
créé par Albert Lory (Angers 1911).
L'entreprise
comprend, à son apogée en 1930, 3 000 personnes
travaillant sur 51 000 m2. Malheureusement, cet âge d'or
sera de courte durée. La pression de la concurrence -
en particulier celle d'André Citroën - devient très
âpre. La grande crise de 1929 a laissé de lourdes
séquelles. Et, en raison
d'une priorité donnée aux solutions techniques
sur les investissements commerciaux, probablement aussi parce
que Louis Delage, vieillissant, est absorbé par de nombreuses
préoccupations personnelles, la société
ne prend pas le virage de la très grande série
et décline.
Delage Watney
Le Mans 1945
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Le personnel est progressivement licencié,
et un autre ancien des Arts et Métiers, Émile
Delahaye (Angers 1889), rachète les actions en 1935.
Louis Delage connaît dès lors une vie de retraité.
Il s'éteint en 1947, et est inhumé au cimetière
du Pecq.
Des voitures sous son nom, mais pourvues de mécaniques
Delahaye, continueront toutefois à être commercialisées
: la dernière, équipée d'une carrosserie
Chaptron, sortira en 1952. |
Grâce à
sa passion pour la technique automobile, ce grand entrepreneur-constructeur
a apporté une grande impulsion au développement
technologique, aussi bien dans le dessin des châssis
que dans la conception des moteurs (le moteur à
compresseur par exemple). Mais il s'est trouvé
disponible aussi pour d'autres causes. C'est durant son
mandat de président de la Société
des anciens élèves des Arts et Métiers,
entre 1924 et 1927, que sera acheté l'hôtel
d'Iéna, inauguré officiellement en 1926
en présence de Gaston Doumergue, président
de la République."
Edmond De Andrea, ingénieur Arts et Métiers
(Aix 45).
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Extrait de 'Arts et Métiers
Magazine' - Novembre / Décembre 2001.
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