ESQUILLAN
Nicolas- Châlons 1919
"Nicolas Esquillan, dès
son premier grand ouvrage, le pont de la Roche-Guyon, a
manifesté son talent particulier à réaliser
des structures aux lignes très pures, irradiant par
elles-mêmes, sans le moindre ornement, leur propre
beauté esthétique (
)"
Nicolas Esquillan est né le
27 août 1902 à Fontainebleau. Son père,
Hugues Esquillan, qui avait appris la menuiserie et l'ébénisterie
et entrepris son tour de France pour devenir compagnon,
s'arrêta à Fontainebleau et ouvrit un atelier
de fabrication de voitures à chevaux, puis automobiles
(
). Grâce à une bourse d'Etat, il entra
aux Arts-et-Métiers à Châlons en 1919
et en sortit 4e de sa promotion avec une médaille
d'argent. Il resta proche du milieu Gadzarts, dans sa vie
professionnelle et dans sa vie privée.
Après son service militaire
qu'il termina comme sous-lieutenant artilleur, il était
indécis sur son orientation. Le hasard lui fit rencontrer
un Gadzarts, ami de Simon Boussiron (Aix 1888), lequel avait
orienté sa société vers le béton
armé et avait écrit un des premiers ouvrages
théoriques sur le sujet.
La rencontre entre Boussiron et Esquillan fut concluante
et ce dernier rejoignit la société en 1923.
Il devait y consacrer sa vie.
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[Le
CNIT de La Défense]
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Il s'intégra très rapidement dans ce que les collaborateurs
de l'entreprise appelaient " la famille ". Les relations
y étaient en effet très étroites, le climat
de confiance exceptionnel et comme le dit son collaborateur de toujours
Jean François (Ch 1938) : " Comme patron , Nicolas Esquillan,
comme dans toute l'entreprise, faisait confiance. Cette confiance
régnait du haut en bas des responsabilités : Boussiron,
Fougerolle, Esquillan, François. " Il est certain que
dans un climat comme celui-là, les hommes se sentent à
l'aise, prêts à examiner sans crainte les possibilités
innovatrices et aussi à prendre des risques. Il est donné
comme exemple les voûtes des hangars de Marignane : 2 fois
4200T coulées au sol et élevées à 19m
de hauteur en trois semaines. Il faut se sentir sûr de soi
mais surtout épaulé dans un climat favorable pour
faire ce pari en 1950. Ce climat a aussi favorisé le travail
en équipe. Ses prédécesseurs avaient ouvert
la voie (Simon Boussiron, Roger Vallette) et leurs successeurs.
Si le contexte de l'entreprise est une condition favorable, elle
ne produit pas le talent et ne remplace pas le travail. Le talent,
Nicolas Esquillan l'avait par sa curiosité toujours en éveil,
abordant les nouveaux sujets en apprenant d'abord, puis en essayant
de découvrir le pourquoi et le comment des choses ; il l'avait
aussi par sa sensibilité à la beauté , celle
des choses réalisées admirées par tous parce
qu'on n'imaginait pas qu'elles auraient pu être différentes.
Il disait toujours que "plus on fait simple, plus on fait beau
et plus on fait beau, plus on fait grand (
)".
On peut imaginer la quantité de travail que les études,
puis toutes les réalisations, ont demandé. Plusieurs
exemples ont été donnés : lorsqu'il eut l'intuition
que la méthode de calcul utilisée dans l'étude
des ouvrages en béton, simpliste car basée sur l'utilisation
de coefficients de sécurité importants, était
un handicap pour progresser en allégeant, il se replongea
dans les mathématiques (
).
Parmi les réalisations de Nicolas Esquillan, six ont été
des records du monde. Il faut citer en particulier le CNIT à
La Défense record mondial des ouvrages en coque mince avec
206 m de portée et où une plaque a été
scellée sur le parvis par ses amis le 13/10/1993. Pour certaines
d'entre elles, il a assumé aussi le rôle d'architecte,
par exemple pour les pylônes de Tancarville. Il disait : "
Dans un esprit de synthèse, je me suis efforcé de
combiner, dans la conception, l'art de l'architecte, la science
de l'ingénieur, le métier de constructeur ".
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[le pont de
tancarville]
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Son parcours lui a valu de très
nombreuses distinctions, tant françaises qu'internationales
. Ces distinctions ont été décernées,
soit pour des réalisations remarquables, soit pour
la qualité des études théoriques, soit
pour son engagement européen en vue d'arriver à
une réglementation générale unique (voir
encadré).
Ses publications sont nombreuses, une centaine entre 1935
et 1972, articles, rapports ou conférences. Son action
ayant été prépondérante dans les
deux domaines que sont l'action de la neige et du vent sur
les constructions et la conception et le calcul des structures
(
).
Toutes ces activités extérieures pourraient
faire penser à une personnalité recherchant
les honneurs et la médiatisation. Ses proches comme
ses amis le décrivent au contraire comme quelqu'un
d'assez discret, ni mesquin, ni carriériste. Très
accessible, il écoutait et savait se mettre à
la portée des gens : " Il n'était pas fier
" disaient certains. Il était conscient certainement
de sa valeur en tant qu'ingénieur mais le laissait
peu voir. Sur sa tombe, et à sa demande, il n'y a qu'une
seule inscription : " Ingénieur. " (
).On
peut résumer ce rapide portrait de Nicolas Esquillan
par cinq mots : réserve, rigueur, risque, sens du beau,
travail.
Il est décédé le 21 janvier 1989 à
paris et inhumé au cimetière parisien des Batignolles. |
Principales réalisations :
- Pont de La Roche-Guyon (1935), record du monde, détruit
en 1940
- Pont de La Coudette, record du monde (1943)
- Viaduc de Chasse-sur-Rhône, record du monde (1950)
- Hangar de Marignane, record du monde (1951)
- Pylônes du pont de Tancarville, record du monde (1957)
- CNIT à La Défense, record du monde(1958)
- Palais des expositions de Turin (1961)
- Stade Olympique de Grenoble (1968)
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Quelques Distinctions :
- Officier de la Légion d'Honneur (1959)
- Grande médaille d'argent de l'Académie d'architecture
(1971)
- Prix Nessim Habif (1972)
- Médaille de Vermeil Gueritte en Gde Bretagne (1958)
- Deutscher Beton Verein : médaille Emil-Mörsch
(1969)
- American Concrete Institute : Alfred E. Lindau Award (1966)
- Médaille Eugène Freyssinet au 6e Congrès
Fédération Intern. Précontrainte
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Edmond De Andréa, ingénieur
Arts et Métiers (Aix 1945) - Extrait
de 'Arts et Métiers Magazine' - Février 2002.

[Plaque commémorative situé au CNIT de La Défense]
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