GROUSSIER
Arthur - Angers
1878
Rien n'est possible sans le don total de soi à l'uvre
envisagée et l'on n'a rien donné si l'on n'a
pas donné tout.
Arthur Jules Hippolyte Groussier
naît le 16 août 1863 à Orléans.
Son père, Hippolyte François, facteur au chemin
de fer à Orléans a 24 ans et sa mère,
née Félicie Proust, fille de restaurateur,
21 ans. Il est l'aîné dans une fratrie de quatre.
La souche des Groussier dans la région est ancienne.
Il entre aux Arts et Métiers en 1878 et travaille
à sa sortie dans le bureau d'études de Charles
Armengaud jeune (Ch 1828) puis comme dessinateur chez Eugène
Ravasse (Ch 1859), Ingénieur constructeur. Il rencontre
alors Julie Roux, par principe libertaire ; ils ne se marient
pas, mais elle restera sa compagne jusqu'à son décès
en 1918 . Ils auront un enfant, Jean.
Très vite pourtant il s'intéresse au syndicalisme
et devient de 1890 à 1893, secrétaire général
de la Fédération Nationale des Ouvriers Métallurgistes,
précurseur de la CGT fondée au tournant du
siècle. En 1893, il est élu député
du Xe arrondissement de Paris.
Il est élu comme candidat du " Parti ouvrier
socialiste révolutionnaire ", il est proche
de Allemane. Ce parti sera fusionné en 1898 avec
les groupes de Jules Guesde, Edouard Vaillant, Marcel Sembat,
et les indépendants Jean Jaurès, René
Viviani, Alexandre Millerand, etc., pour fonder le Parti
Socialiste.
Son programme législatif de 1892, adopté par
un congrès, est très radical ; on pourrait
dire extrémiste, préconisant déjà
le gouvernement direct du peuple dans tous les domaines,
ce qui est bien dans l'air du temps. Pourtant on y voit
aussi ses préoccupations essentielles et la ligne
de force de son action dans ses successives mandatures :
les changements de fond à apporter à la façon
dont le travail est organisé.
|
 |
En effet, quand on examine le détail de ses interventions,
amendements et projets de lois, leur très grande majorité
concerne les pratiques dans l'organisation du travail : législation
du travail, organisation syndicale, contrats de travail , prud'hommes,
travail des enfants, etc. (encadré). S'il n'est pas un
parlementaire qui a participé aux grands débats
idéologiques de son temps, qui n'est donc pas connu du
grand public, il est considéré par ses pairs comme
un orateur écouté et un travailleur acharné.
Son grand uvre sera la réunion dans un Code du Travail,
de tous les textes de loi votés ou préparés
et des idées nouvelles exprimées. Ce code du travail
comprend deux livres , le premier édité en 1911,
le second édité en 1913, écrits en collaboration
avec un juriste, Paul Sumien. En 1913 paraît aussi son ouvrage
sur la Convention collective du travail. Ce travail législatif
avait commencé dès1893 et le code lui-même
ne sera voté qu'en décembre 1910 et juin 1913. C'est
dire la ténacité de l'homme tout au long de son
engagement politique.
En 1914, président du groupe socialiste à la Chambre
et partisan de la défense de Paris alors que beaucoup de
députés voulaient l'évacuation du gouvernement,
il est nommé au Comité de défense du camp
retranché de Paris, comme adjoint de Gallieni. A la même
époque, il refusera à plusieurs reprises le poste
de Ministre du Travail, sollicité par Ribot, Painlevé
et Clemenceau pour se consacrer presque secrètement à
l'armement. Par contre il a été Président
de la Commission du travail et Vice-Président de la Chambre
en 1917, poste " occupé avec une telle autorité
que sa présidence a été longtemps citée
en exemple par les habitués du Palais-Bourbon . "
Il aura été élu et réélu député
de 1893 à 1924 sauf entre 1902 et 1904, période
où il a repris un travail d'Ingénieur sur le chantier
du tube Berlier sous la Seine, pour le métro Nord-Sud.

|
En 1924, il est battu et se désintéresse
petit à petit de la politique active.
En ce qui concerne notre école, il en est membre
du Conseil de perfectionnement et il interviendra à
plusieurs reprises pour résoudre les différends
entre les élèves, dont il est le défenseur,
et l'administration. En 1907, il est pour beaucoup dans
le décret qui institue le brevet d'Ingénieur
des Arts et Métiers. Ami des présidents Delage,
Ramas, Monteil, comme lui Francs-maçons, il continue
à s'intéresser à la Société
des Anciens Elèves et à ses travaux.
Il avait été initié en Maçonnerie
en 1885, à l'âge de 22 ans et en 1907, à
44 ans, il était élu membre du Conseil de
l'Ordre du Grand Orient de France, l'une des trois obédiences
importantes existant aujourd'hui. En 1925, après
avoir abandonné la vie politique militante, il est
choisi comme Président du Conseil de l'Ordre du Grand
Orient de France, c'est-à-dire Grand Maître.
Son mandat est interrompu en 1940 quand les ordres maçonniques
sont dissous par le gouvernement de Vichy, après
une dernière intervention qu'il fait auprès
de Pétain, mais il sera renouvelé en 1944-45.
Il a d'ailleurs été arrêté par
la Gestapo, chez lui.
|
Son uvre en tant que Maçon a été,
d'après les archives du Grand Orient, considérable,
aussi bien en France qu'à l'étranger, surtout en
Europe centrale et Amérique latine, où il était
particulièrement reconnu et honoré. La grande salle
de réception du Grand Orient, rue Cadet, porte son nom.
Il a participé aux controverses maçonniques sur
le spiritualisme et le déterminisme par deux essais et
un livre (encadré). Son livre surtout, écrit à
plus de quatre-vingts ans, essaie de jeter un pont entre spiritualisme
et matérialisme, thème récurrent.
Pour mieux connaître l'homme, quelques uns des témoignages
qui abondent parmi ceux qui l'ont connu :
" Au physique, un petit homme, bien proportionné,
dont il était impossible d'oublier le visage dès
lors qu'on l'avait vu. Le front, grand, intelligent, dominant
des yeux aux lueurs tantôt douces, tantôt fulgurantes.
Le bas du visage était encadré, prolongé
par une barbe tôt blanchie mais d'une longueur inhabituelle,
qui lui faisait une allure particulière. Silhouette anachronique
sans doute, mais forçant le respect, par je ne sais quel
fluide qui en émanait. " (hommage posthume).
" On ne peut pas connaître Arthur Groussier sans l'aimer.
on ne peut pas connaître Groussier sans le respecter
On reconnaît en lui l'homme qui n'a jamais menti, l'homme
dont toutes les pensées sont bonnes, dont tous les actes
ont été justes et l'on sent sous la tranquillité
et la simplicité de l'apparence, l'homme inflexible, incorruptible
qui n'a jamais transigé avec une conviction ou un devoir.
Léon Blum "
Son petit-fils, Georges Groussier, professeur de faculté
en retraite, qui habite la maison où vécut son grand-père
garde de lui " l'image d'un homme d'une très grande
cohérence, syndicale, politique, maçonnique : faire
le bien, s'occuper des pauvres, ne pas profiter pour s'enrichir
et
il l'a fait. C'est un homme sans tache ."
Arthur Groussier est décédé le 6 février
1957 et a été incinéré.
Ayant toujours refusé les honneurs, il n'aurait pas approuvé
que la rue Parmentier, après sa mort, devienne la rue Arthur
Groussier. Elle se trouve près de l'hôpital St Louis
dans le 10e arrondissement de Paris.
Edmond DE ANDREA - Aix 45
|