Georges-Camille Imbault (An.1892)

Exceptionnel bâtisseur, G. C. Imbault a consacré sa vie à édifier des ponts dans le monde entier. Quitte à les reconstruire quand la guerre les avait détruits.


Georges-Camille Imbault naît le 2 mai 1877 à Châteauneuf-sur-Loire (Loiret) dans une famille de mariniers sur Loire. Félix, son père, exercera successivement plusieurs métiers : marinier sur les bateaux du grand père, charpentier de marine et constructeur de bateaux. Puis il s'associera avec Guillaume, l'oncle de Georges Camille, et Ferdinand Joseph Arnodin et sera entrepreneur de dragage en Loire et constructeur de dragues.
Cadet de trois garçons, Georges Imbault est très brillant dans ses études. À 15 ans, il entre major aux Arts et Métiers d'Angers en 1892, après avoir redoublé car… il était trop jeune. Major de promotion durant ses trois années d'études, il revient dès sa sortie de l'École à Châteauneuf et participe à la construction de ponts métalliques, au sein de l'entreprise F. Arnodin.

Malgré cette place enviable, il veut se familiariser avec la langue anglaise et voyager à travers le monde ; il part dès 1901 pour Londres où il trouve un emploi temporaire. Ferdinand Arnodin, inventeur du pont transbordeur breveté le 5 novembre 1887, ne tarde pas à faire appel à lui pour suivre les travaux du pont de Newport (portée 325 m).

Du pont-rail au pont-bascule

En parallèle, Imbault est le seul à présenter un projet de montage complexe d'un pont en arc pour le compte de la Cleveland Bridge and Ingineering Co. Ltd. Il s'agit d'un pont-rail à double voie de 1 550 tonnes d'acier, au-dessus des gorges du Zambèze, près des chutes Victoria, en Rhodésie (aujourd'hui le Zimbabwe). En 1903, son projet est retenu. Jeune ingénieur de 26 ans, Imbault va diriger pendant trois ans et avec succès ce chantier exceptionnel par ses difficultés techniques (arc de portée 152 m et tablier à 128 m du niveau du fleuve) et matérielles (éloigné de tout, climat très humide, accès difficiles).
Puis, la Cleveland Bridge lui confie le montage d'un pont à bascule à Port-Soudan sur les bords de la Mer Rouge ainsi que l'étude de faisabilité du pont de Khartoum (Soudan) sur le Nil Bleu.
De retour en France, il épouse une castelneuvienne, qui le suivra au Soudan. En effet, Imbault est nommé directeur responsable des travaux de l'impressionnant ouvrage soudanais : deux voies ferrées, une route et deux trottoirs, sept travées de 67 m, une basculante de 30 m et deux travées d'approche. Le chantier est délicat car celui-ci est soumis aux violentes crues du Nil et les fondations des piles sont très profondes. Puis suivront les ponts de chemin de fer sur le Nil Blanc, dont celui de Gor-Abu-Gama (une travée tournante de 75 m et huit travées fixes de 48 m).
À partir de 1911 et jusqu'à la guerre, il réalisera, en tant qu'ingénieur en chef responsable des travaux à l'étranger pour la Cleveland Bridge, plusieurs ponts en Égypte, au Brésil, ainsi que le pont transbordeur de Middlesbrough en Angleterre.
Imbault, mobilisé, va travailler pendant toute la durée de la guerre et jusqu'en 1921, à la reconstruction d'une cinquantaine de ponts détruits par les combats pour lesquels il proposera les services des entreprises castelneuviennes.
Dès l'après-guerre, Basile Baudin (1876-1948), un castelneuvien ancien de chez F. Arnodin, contacte Imbault pour ses compétences reconnues de constructeur de ponts métalliques. Le 15 mars 1919, il accepte d'entrer dans le conseil d'administration de la société des Ets B. Baudin et Cie, tout en continuant à vivre à Paris avec sa femme et ses deux filles et en gardant ses contacts en Angleterre. À la mort de Ferdinand Arnodin en 1924, Basile Baudin, fabriquant de charpentes métalliques (pylônes, grues…), reprend la construction des ponts.

Un ingénieur mondialement connu

En 1923, Imbault propose à la Cleveland Bridge le projet de construction du Sydney Harbour Bridge (Australie). Le dossier est présenté à une grosse société d'ingénierie, la Dorman Long and Company. Séduite, elle envoie Imbault sur place. Ce projet de pont en arc de 503 m de portée (record du monde inégalé à ce jour) est retenu en février 1924, parmi les 22 proposés. Avec son associé, l'ingénieur londonien Freeman, Imbault est chargé de l'étude et de la fabrication de cet ouvrage d'exception. Mais en octobre 1930, le gadzarts refuse d'être naturalisé anglais ; seul Freeman représentera la Dorman Long pour l'inauguration. En effet, la crise économique de 1929 se traduit par la quasi-obligation pour les étrangers employés dans les entreprises britanniques de se faire naturaliser ou de quitter le pays. Imbault choisit la deuxième option et rentre définitivement à Châteauneuf-sur-Loire avec sa famille. Il ne reviendra jamais en Australie.

En 1932, une hémorragie cérébrale force Basile Baudin à limiter ses activités. Imbault prend la direction générale effective des Ets B. Baudin et Cie et augmente rapidement le chiffre d'affaires en orientant l'activité plus spécialement vers les ponts suspendus.
L'immédiate après guerre est à la reconstruction, soit à l'identique, soit de façon plus moderne avec seulement deux piles, une travée centrale et deux travées complémentaires rejoignant les culées sur les rives. Ce sera le cas à Gennes en 1948 (Maine-et-Loire) ou à Ancenis en 1953 (Loire-Atlantique), le plus grand pont sur la Loire.
En 1950, l'entreprise avait à son actif plus de cinquante-cinq ouvrages suspendus, les trois quarts des réalisations françaises dans ce domaine.
En mars 1951, Georges Camille Imbault est emporté par une embolie à 74 ans et enterré à Châteauneuf-sur-Loire. L'équipe en place assurera la succession : Robert Carrière (An. 22), directeur de la société, Lucien Chadenson président-directeur général et les deux gendres d'Imbault, Yves Colombot (Cl. 17), né à l'École de Châlons et Armand Ducos (An. 14).
En 1952, la société est rebaptisée de son nom actuel Baudin-Châteauneuf, Yves Colombot en assurera la direction jusqu'en 1976. Son fils aîné, Michel Colombot (Li. 57), petit-fils de Georges Imbault, est depuis à la tête de l'entreprise.

Celle-ci se verra encore confier la construction de nombreux ouvrages. Ce seront les ponts de Tancarville sur la Seine en 1959 (longueur totale 1 420 m, travée centrale 608 m), d'Aquitaine sur la Garonne en 1967 (longueur totale 1 767 m, travée centrale 394 m), de Saint-Nazaire sur la Loire en 1974 (longueur totale 3 356 m, travée centrale 404 m),…

Que de chemin parcouru par les six générations de cette famille, depuis les aïeux mariniers sur Loire, aux industriels bâtisseurs de ponts…toujours restés fidèles à Châteauneuf-sur-Loire.

Jean-Louis Eytier (Bo. 68)
avec la très aimable contribution de Michel Colombot (Li. 57).

 

 
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