Marius Lavet (Cl. 1910)

Inventeur de génie du micromoteur pas à pas, Marius Lavet a permis une évolution considérable de l'industrie horlogère européenne.

La famille Lavet est originaire d'Auvergne et, plus précisément, du Puy-de-Dôme. Le grand-père maternel de Marius Lavet était sabotier, son grand-père paternel agriculteur, et son père aubergiste à Clermont. C'est dans cette ville qu'il naît au domicile de ses parents, 1, rue Blanzat. Il est déclaré le 8 février 1894, né le 6 ou le 7 février (l'état civil porte les deux dates). Sa mère, Jeanne-Marie Fafournoux, était elle aussi native du Puy-de-Dôme. Il épousera Arnolde Deisenburg le 7 février 1934, mais on ne lui connaît ni descendants, ni collatéraux. Après des études à Clermont, il est admis aux Arts et Métiers de Cluny en 1910 et en sort parmi les premiers (médaille d'argent). Il poursuit sa formation à Supélec en 1914. Mobilisé, il fait la guerre de 14-18 et reçoit la Croix de guerre avec citation. Dès sa démobilisation, ingénieur à la Compagnie des appareils horoélectriques, il dépose, le 23 décembre 1918, un premier brevet au nom de Mme veuve Moulin et de M. Favre Bulle, dont il est le collaborateur. Ce brevet décrit une variante du système Brillié d'entretien du mouvement du balancier dans les pendules. Il est à l'origine de la pendulette électrique indépendante, la "Bulle Clock", qui devait connaître un grand succès et être fabriquée jusqu'en 1970.

Marius Lavet entre en 1923 à la société Hatot, où il est chargé de créer un département d'horlogerie électrique dont l'objectif est d'exploiter des "systèmes de distribution de l'heure et modèles originaux d'instruments horaires" qui seront vendus sous la marque ATO. Il fera toute sa carrière dans cette société, malgré certaines difficultés avec elle qui conduiront à un procès gagné par le gadzarts.

Si Marius Lavet est principalement connu dans l'horlogerie, ses travaux, depuis l'origine, concernent plus généralement l'électromagnétisme dont elle est une application. Il a pris à son nom, pendant qu'il travaillait pour la société Hatot, une cinquantaine de brevets (en comptant les additions) consacrés essentiellement à l'horlogerie. À partir de sa retraite en 1962, et jusqu'en 1977, Marius Lavet reste un inventeur indépendant. Il se consacre aux petits appareils magnéto-électriques, en particulier aux petits moteurs à courant continu sans collecteur. En 1968, il crée même avec l'ingénieur général de Valroger le laboratoire de recherche Laborem.

La méthode de travail de Marius Lavet, telle qu'elle a été décrite par son conseiller Louis Chéreau, est intéressante : dans un premier temps, il agit comme "guetteur", détecte, parmi les publications, une nouveauté et en recherche des applications dans son domaine d'intérêt. Dans un deuxième temps, il prend garde de ne pas se perdre dans des perfectionnements successifs, mais recherche et fait breveter d'autres applications nouvelles. Sa démarche s'illustre par deux exemples: l'utilisation du transistor en horlogerie et le petit moteur pas à pas bipolaire. En mars 1948, il prend le brevet n° 986536 sur les horloges électriques. Or, au mois de juin suivant, les Bell Laboratories annoncent une importante découverte, sous la forme d'un petit appareil, de la taille d'un ongle, destiné à remplacer les lampes triodes ou autres et pouvant servir d'interrupteur et d'amplificateur : le transistor. Ce mécanisme possède de nombreux avantages, tels que son faible volume, sa faible consommation et la suppression des contacts mécaniques dans les systèmes électriques d'entretien du mouvement qu'il rend possible. Marius Lavet entrevoit tout de suite, malgré le scepticisme ambiant, les avantages à l'utiliser en horlogerie. Dès juillet 1949, il dépose un additif (n° 60520) à son brevet. L'application viendra en septembre 1953 par un brevet n°1090564 pris pour la France, et par 16 autres brevets pris dans 9 pays, dont les États-Unis et l'Allemagne. Ce qui lui permettra simultanément de faire opposition à un brevet pris par des Japonais. Outre l'application à l'horlogerie traditionnelle, une vingtaine de brevets ultérieurs concernent divers mécanismes d'horlogerie à transistor. Dès novembre 1953, fidèle à son désir de faire partager cette avancée technologique, il publie un article dans les "Annales de chronométrie".

L'évolution du moteur bipolaire à impulsions électriques, quant à lui, fait l'objet du brevet n° 971418 pris en mai 1940, déposé par la société Hatot, mais dont la paternité sera reconnue à Marius Lavet en mai 1963. Ce premier moteur préfigure le moteur pas à pas, dit "moteur Lavet", ainsi que son utilisation par la suite en horlogerie fine, voire en bijouterie, avec l'emploi rapide des nouveaux matériaux magnétiques comme le platinecobalt. Ce moteur pas à pas utilisé en horlogerie permettra à l'industrie horlogère européenne, avec les montres électroniques à quartz et à aiguilles, de lutter contre l'invasion japonaise des montres à affichage numérique, et de ne pas sombrer.

Les travaux de l'ingénieur ne se limitent pas à l'horlogerie. Dans le cadre de ses recherches sur les petits moteurs, le développement des moteurs à courant continu sans collecteur le fait reconnaître universellement dans l'industrie aéronautique. Ce moteur "brushless" est une révolution en électrotechnique, car il arrive après un siècle de quasi-stagnation des moteurs électriques. C'est, là encore, une application du transistor, de ses dérivés et des nouveaux matériaux magnétiques. Une série de brevets est prise entre 1968 et 1977 aux noms de Lavet - de Valroger. Le principe de ce moteur est simple:
un rotor aimanté, et un stator bobiné alimenté par l'intermédiaire de plusieurs transistors jouant le rôle de contacteurs successifs lors de la rotation. Ce moteur peut être plat ou cylindrique. La suppression du collecteur et la multiplication du nombre des transistors permet d'adapter les utilisations aux différents besoins. C'est ainsi que l'on a pu atteindre
des vitesses de rotation de 100 000 tr/min et des puissances massiques voisines du kilowatt par kilogramme.

Outre les brevets, additions et enveloppes Soleau, Marius Lavet fait environ 70 communications dans les "Annales françaises de la chronométrie" ou dans les congrès internationaux de chronométrie, et publie plus d'une quarantaine de textes divers. Il est aussi l'auteur de sept ouvrages qu'il rédige entre 1949 et 1971, allant des "Horloges de commutation remontées électriquement " aux "Moteurs à courant continu à commutation électronique ". Deux de ces ouvrages, "Mécanismes électromagnétiques ", en trois volumes, et "Relais", écrits en 1962, servent de support aux cours qu'il dispense à l'École nationale supérieure de l'aéronautique entre 1952 et 1970. L'excellence de ces enseignements lui vaut la Légion d'honneur. On sait peu de choses de l'homme; il est décrit comme peu expansif, discret, "un inventeur du XIXe égaré au XXe", travaillant en solitaire, pas très intégré à la vie civile, un peu "vieille France". Il parle, en toutes occasions, de ce qu'il fait, mais pas de lui-même. Sa politique de dépôt de brevets, la défense de ses droits et les conseils avisés de Louis Chéreau, lui valent, tout en vivant très simplement, de constituer un patrimoine significatif, et lui permettent de susciter ou de soutenir une politique d'aide à des inventeurs. C'est dans ce cadre que, par testament daté du 19 juin 1977, un fonds autonome Chéreau-Lavet est institué et rattaché à la Fondation Arts et Métiers, lequel est administré par un conseil d'administration dont Pierre Bézier (Pa. 27) est le premier président. Le 21 novembre 1979, lors d'un conseil auquel participe Marius Lavet, un premier diplôme de lauréat est décerné, accompagné de la remise d'une montre et d'un chèque. Malheureusement, une action en justice interrompt la remise du prix. Ce n'est qu'en 2001 qu'il est officiellement attribué pour la première fois sous l'égide de la Fondation de France, grâce à l'organisation de l'association Marius Lavet fondée par la Fondation Arts et Métiers,
le Conseil national des ingénieurs et scientifiques de France, le cabinet Pierre Breesé (depuis cette année, l'Académie des technologies a rejoint les fondateurs). La cérémonie se tient traditionnellement au Sénat. Marius Lavet est aussi lauréat de l'Académie des sciences (prix Henry Wilde), de la Société française de microtechniques et de chronométrie de France (médaille Jules Haag) et de la Société allemande de chronométrie (médaille Matthäus Hahn).
Il est décédé le 14 février 1980 à Paris et a été incinéré.

Edmond De Andréa (Ai. 45)

 
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