MEIFRED Pierre-Joseph - Compiègne 1800 - Châlons 1806

Né le 22 novembre 1791 à Colmars, dans les Basses-Alpes, Pierre-Joseph Meifred est le fils d'un officier supérieur tué durant la Campagne d'Italie. En 1800, il entre au prytanée de Compiègne et rejoint ainsi d'autres enfants de "défenseurs de la Patrie". Disposant déjà de quelques notions, il fait partie de la musique de l'école, où il choisit le cor. Doué d'aptitudes remarquables, il s'illustrera notamment en exécutant un concerto au théâtre de Compiègne. En 1803, le prytanée de Compiègne est transformé en école d'Arts et Métiers. À peine trois années plus tard, son transfert à Châlons-sur-Marne est décrété.
En décembre de cette même année, le jeune Meifred et ses camarades rejoignent à marche forcée leur nouvelle cité d'accueil, comme une compagnie de la Grande Armée.
Meifred est un élève brillant dans les diverses disciplines enseignées, comme en témoignent une distribution des prix de septembre 1808, et un palmarès conservé au Musée national gadzarts de Liancourt. En 1811, il est nommé aspirant de l'École et, à ce titre, adjoint au directeur des travaux.
À l'issue de sa formation, l'année suivante, le duc de La Rochefoucauld, fondateur des Écoles d'Arts et Métiers, le recommande auprès de l'impératrice Joséphine, en qualité de secrétaire. Son introduction dans ce nouvel environnement est facilitée par la comtesse Alexandre de La Rochefoucauld, dame d'honneur de l'impératrice. Le château de Malmaison, résidence de Joséphine, accueille fréquemment les cornistes Naderman et Duvernoy. La qualité de leurs récitals accentue l'attrait de Meifred pour son instrument de prédilection. Mais en 1814, cette période faste s'achève brutalement, lorsque survient le décès de l'impératrice. Meifred se retrouve alors secrétaire particulier du duc de La Rochefoucauld, jusqu'aux Cent Jours.

Au lendemain de cette période, il s'oriente pleinement vers une carrière artistique, en se présentant au Conservatoire de musique. Après une audition devant les membres éminents du comité d'enseignement, parmi lesquels figurent Méhul et Chérubini, il est admis dans la classe de Duvernoy. Sous la Restauration, le Conservatoire, rebaptisé École royale de musique, subit une réorganisation. Le maître de Meifred, Duvernoy, est alors remplacé par Dauprat. En 1818, Meifred remporte le premier prix de cor et entre au théâtre des Italiens. En 1822, il est appelé à l'Académie royale de musique et remporte une place vacante à la chapelle de Louis XVIII.

C'est vers cette époque que, rappelant à son souvenir quelques connaissances acquises à l'école de Châlons, Pierre-Joseph Meifred met au point le système à trois pistons qui va révolutionner la pratique du cor chromatique. L'instrument qu'il fait construire obtient la médaille d'honneur à l'Exposition de 1827. Le musicien-inventeur va consacrer plusieurs années à perfectionner son innovation, qu'il abandonnera finalement au domaine public afin d'en faciliter l'essor. Ce système à trois pistons est en vigueur encore de nos jours, non seulement pour le cor, mais aussi pour le cornet, la trompette et le saxhorn.

En 1828, Meifred fonde, avec Habeneck, la Société des concerts, dont il devient le secrétaire. Cinq ans plus tard, il obtient au conservatoire la création d'une classe dont il deviendra le professeur. Il rejoint peu après les membres du Conseil d'enseignement, sur une proposition de Chérubini. Et, après les événements de 1848, il est nommé Capitaine de musique de la troisième subdivision de la Garde nationale de Paris !

On doit à Meifred de nombreuses publications organologiques et pédagogiques, dont la première méthode écrite pour le "cor perfectionné", dit à pistons ou chromatique. Il publie également une notice sur la fabrication des instruments de cuivre en général, et du cor chromatique en particulier. Outre ses études sur les instruments de musique, Meifred compose des poèmes et des chants aux caractères fantaisistes : "Le Café de l'opéra", "La Société des boulettes" (1829), "L'Impromptu impossible" (1848), et le conte en vers "Mécanicien" en 1851).

Meifred est également à l'origine de trois tentatives de constitution d'une association des anciens élèves des Écoles d'Arts et Métiers. Membre fondateur de la Société Arts et Métiers, qui voit définitivement le jour en 1846, il participe à la rédaction de ses statuts. Il en sera vice-président de 1850 à 1855 et président d'honneur en 1856. Dans une allocution prononcée au banquet des anciens élèves de 1863, lui qui s'est consacré à la musique rend hommage à ses camarades, témoins et acteurs de la révolution industrielle :

"Si je m'appelais Salomon de Caus ou Papin, Watt, Fulton ou Arago, il me serait bien agréable de m'entretenir avec vous dans une langue qui vous est si familière, et je trouverais ce moment très opportun pour vous proposer de passer en revue les admirables et récentes découvertes de la science et de l'industrie, pas de géant que nous mesurerions ensemble, et qui sera l'honneur de notre époque ! Si j'étais ingénieur, j'aimerais tracer le plan, les épures de ce grand monument du progrès, auquel chacun de vous apporte incessamment sa pierre !" D'aucuns verront en Meifred l'artiste talentueux; il apparaît aussi pour la communauté Arts et Métiers comme un digne représentant de l'esprit gadzarts, certes un peu frondeur, et enfin, comme l'initiateur de leurs "amusantes traditions". Ami du duc de La Rochefoucauld, il était tout comme lui dévoué et novateur. Chevalier de la Légion d'honneur, Pierre-Joseph Meifred devait décéder à l'âge de soixante-seize ans en son domicile parisien, au 47 de la rue Fontaine-Saint-Georges.


Frédéric Champlon, INGENIEUR ARTS & METIERS

Extrait de Arts et Métiers Magazine - Mai 2002.

 
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