Antoine
Odier - Aix 1901
Un inventeur au service de l'aéronautique
Antoine Odier nait en 1884 à Tournon
dans l'Ardèche dans une famille modeste. Son père né à St
Alban du Rhône, employé de commerce, meurt dès 1889. A cinq
ans, il est recueilli et élevé par un vieil oncle de Bourg-les-Valence.
Celui-ci, ancien officier mécanicien de la Marine, se dévoue
sans compter pour envoyer le jeune Antoine " aux Ecoles
".Très doué pour les mathématiques et la mécanique, Antoine
Odier est reçu dans les premiers à l'Ecole d'Aix-en-Provence
; il est aussi très doué pour les chahuts et les blagues
scientifiques. Diplomé en 1904 , il travaille d'abord sur
les bicyclettes et les motos , puis dans différentes firmes
d'automobiles de Lyon et de Genève. Mais déjà, il ne rêve
que d'aviation . Ces rêves prennent d'abord la forme d'articles
publiés à partir de 1907 par des revues de l'époque :La
Technique automobile, l'Aérophile etc. Il entre même en
correspondance avec Clément Ader dont, plus tard, il justifiera
les choix techniques sur son " Eole ".
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En 1908, il rencontre à Paris son idéal
de jeune ingénieur : Léon Turcat des automobiles " Turcat-Méry
" qui accepte de commanditer l'étude et la construction d'un prototype
d'avion par Antoine Odier et Raoul Vendome ; ils devront utiliser
le moteur des voitures de la firme qui pèse 220 kg refroidissement
compris pour une puissance effective de 18 cv, à comparer avec
les 12kg pour 16cv de la " Demoiselle " de Santos Dumont. L'imagination
et l'intuition extraordinaires d'Antoine Odier vont faire merveille.
Il crée un profil d'aile creux que, des années plus tard, Eiffel
reconnaîtra comme étant le mieux adapté à ce genre de machine
. Il dessine une hélice originale ultra-légère dont la forme est
logique et efficace. Toute la structure de ce premier biplan "
Odier-Vendome " , construit en bois et en toile est un chef-d'œuvre
de légèreté. Il est assemblé dans un hangar de Grenelle attenant
aux ateliers Regio, ( Ai 1901 ).Deux innovations le caractérisent
déjà : la suppression de l'équilibreur avant et le remplacement
des roulettes de queue par des béquilles à sandow.
Elles seront vite copiées par 2 les autres constructeurs qui se
retrouvent sur le terrain d'Issy-les-Moulineaux, c.a.d. Blériot,
les frères Voisin, Nieuport,Santos-Dumont et Védoville . L'avion
décollera du premier coup le 27 mai 1909 avec, aux commandes,
Antoine Odier qui n'avait jamais piloté. Le 20 juin suivant, il
découvre la perte de vitesse à quelques mètres seulement de hauteur
et " casse du bois ". Le 18 juillet, Odier va effectuer son premier
virage. Puis il décolle avec une passagère de 38 kg (une première).
Le 22, il effectue 4 tours de terrain " hors barrières ". Le 25
éclate la nouvelle de la traversée de la Manche par Blériot. Un
deuxième avion biplan est construit en 1910. Il est muni d'une
hélice tractrice et d'un volant breveté conjuguant profondeur
et gauchissement qui ne sera généralisé qu'à partir de 1930.
Suit une période vouée aux meetings et aux courses auxquelles
les grands pilotes de l'époque vont se livrer. Ils demandent des
" Machines à Voler " aux ailes repliables ou démontables pour
le transport par route et le stockage facile dans les hangars.
Odier va y exceller. Puis il devient Ingénieur en chef des Avions
Borel. Il conçoit alors toute une série de monoplans à moteur
rotatif Gnome 50 cv très surs d'emploi ; ils remportent de nombreux
prix et équipent les premières écoles de pilotage militaires et
civiles.

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L'année
1912 voit l'avènement des hydravions Borel-Odier dont le premier
sera piloté par Geo Chemet (Ch 1908). Après le succès qu'il
remporte dans une course à Tamise en Belgique, 12 machines
sont commandées par la Royal Navy et 18 par la Marine Italienne,
mais aucune par la France. Au début de la Grande Guerre, Antoine
Odier est chargé de mettre en route des fabrications de matériels
de guerre aéronautiques ou non. Puis, à la demande de la Marine,
il conçoit, avec peu de moyens, un hydravion bi-moteur à flotteurs
dont le prototype est construit avec beaucoup de difficultés
en 1916 et sera piloté par Geo Chemet. Le premier d'une série
de 90 appareils est livré en 1917 et montre des performances
inégalées pour l'époque. C'est à cette 3 occasion que Antoine
Odier va créer le démarreur embarqué à gaz comprimé (CO2)
permettant de lancer sans danger les moteurs de 200 cv équipant
ces hydravions torpilleurs. |
En 1918, une version amovible permet de
démarrer sur avion des moteurs de 300 cv et rencontre un succès
mondial. Elle va lui permettre de créer sa propre entreprise,
la société A. Odier à Levallois avec laquelle il acquiert enfin
son indépendance.
Cette activité ne lui suffira pas . En novembre 1924, devant son
ami le député Laurent Eynac, il fait tourner pendant un quart
d'heure à 15 000 tr/mn la première turbine à explosions ébauche
visionnaire du turbo-propulseur qui ne verra le jour que 30 ans
plus tard. Avec l'illustre ingénieur Gustave Bessière (Ai 1898)
il construit à partir d'un Caudron 193 le Clinogyre inspiré de
l'autogyre de l'ingénieur De La Cierva et auquel l'armée ne s'intéressera
pas.
En 1930, grâce à l'appui du grand
ingénieur Albert Caquot ( X 1899 ) du Service Technique
de l'Aéronautique et de Laurent Eynac, alors Ministre de
l'Air, avec l'Ingénieur général Louis Jauch ( Ai 1898) et
Gustave Bessière, Antoine Odier crée l'Ecole Spéciale des
Travaux Aéronautiques ( E.S.T.A.) qu'il dirigera jusqu'en
1939. Cette école a donné chaque année jusqu'en 1998 une
formation aéronautique de haut niveau à plus de 30 ingénieurs
diplômés ( en particulier Arts-et-Métiers). Dotée d'un statut
d'école privée, un enseignement évolutif était dispensé
par des intervenants de l'industrie aéronautique laquelle
finançait son fonctionnement depuis les années 50. Les anciens
élèves de l'E.S.T.A. avaient créé, au début des années 80
un prix Odier attribué tous les deux ans à un ingénieur
de l'aéronautique qui s'était distingué par des travaux
originaux et de qualité.
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Profondément marqué par la défaite de 1940,
Antoine Odier ferme son usine de Levallois. Après avoir prospecté
en vain la zone libre , il s'établit définitivement à Alger où
il prend une participation dans une teinturerie industrielle.
Il s'éteint le 6 novembre 1956 à Alger où il est inhumé. Un an
avant de disparaître, il publie un livre étonnant et passionnant
, plein de verve 4 et d'esprit : " Souvenirs d'une Vieille Tige
" dont son ami Gabriel Voisin écrira la préface : "Le Démon de
la Mécanique possédait Odier. S'il me fallait décrire tout ce
que ce mécanicien de génie a produit d'ingénieux et de pratique,
il me faudrait allonger cette préface qui deviendrait une encyclopédie….Un
Français bien français, un de ces admirables utopistes pleins
d'idées, plein de réalisations, plein de rêves, plein de réalités,
capables de concevoir une machine à explorer le temps. "

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Dans
ce XX ème siècle si fécond en inventions de toutes sortes
suivies d'une révolution des technologies , Antoine Odier
est arrivé avec son esprit pratique de Gadzarts doublé d'une
formidable capacité d'observation et d'analyse des problèmes
rencontrés. Il trouve d'instinct les solutions les plus simples
et les plus économiques. Il a pris de nombreux brevets , mais,
comme bien des inventeurs, il n'a pas toujours su aller jusqu'au
bout de ses découvertes et se fera souvent copier par ses
concurrents. Il lui aura peut-être manqué un véritable esprit
d'entrepreneur et l'art de fréquenter l' antichambre des grands
décideurs .Antoine Odier était Chevalier de la Légion d'Honneur.
Son fils, le regretté Professeur Marc Odier a écrit son émouvante
histoire dans les n° 49 et 50 de la revue Pionniers ( Association
des Vieilles Tiges dont Odier était membre)
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G. Gutman
. ( Cl 1943 . E.S.T.A.) Ancien président des anciens élèves de
l ' E .S.T.A.
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